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Un prêt familial non remboursé peut-être requalifié en donation

Un prêt familial non remboursé est une créance à porter dans la succession du prêteur ; elle est susceptible d’être déqualifiée en donation indirecte selon les circonstances.

Ce qu’il faut retenir

Un prêt familial non remboursé au jour du décès constitue en principe ne dette de succession. Il arrive toutefois, au regard des circonstances, que le prêt soit réqualifié en donation indirecte. Cass. civ. 1, 26 janvier 2021, n°19-17793

C’est ce qu’illustre un arrêt récent de la Cour de Cassation : un père avait prêté 115 000€ à son fils, en prévoyant un remboursement en 7 annuités avec un taux d’intérêt de 2,5% par an. En fait, aucun remboursement n’a été constaté jusqu’au décès du père, 6 ans plus tard.

Les juges ont considéré que le père avait manifesté de manière non équivoque sa volonté de reoncer au remboursement du prêt et que son intention libérale était établie en raison :

  • du lien de filiation unissent les parties,
  • de l’inaction du père à demander le remboursement,
  • de l’âge avancé du prêteur,
  • et des difficultés financières éprouvées par le fils.

Le prêteur à été requalifié en donation indirecte, et l’héritier a été reconnu coupable de recel successoral. A ce titre, il a été privé de tout droit sur les sommes recelées.

Les enjeux d’une telle requalification peuvent être multiples, notamment ; les dettes sont rapportées pour leur montant nominal tandis que les dons le sont pour leur valeur au jour du partage d’après leur état au jour de la donation ; les dettes se prescrivent alors que les donations doivent être rapportées quelle que soit la date à laquelle elles ont été effectués… Par ailleurs la nature de l’opération a également des incidences en termes d’IFI.

Notez que lors du règlement d’une succession, les héritiers sont tenus de rapporter les dons qui leur ont été consentis par le défunt en avancement de part en successorale et de faire état des dettes dont ils sont redevables envers le défunt. Le rapport des libéralités et des dettes s’effectue en principe en valeur, c’est-à-dire par imputation sur la part revenant à l’héritier dans la succession.

Afin de se prémunir du risque de requalification d’un prêt en donation, il convient d’écarter tout caractère équivoque de l’opération. Cet égard, des précautions doivent être prises :

  • Prévoir des modalités de remboursement (échéancier) et s’y tenir. En cas de prolongation du délai initial de remboursement, un avenant permet de rappeler la volonté du prêteur d’être remboursé,
  • L’âge raisonnable du prêteur (son espérance de vie doit être cohérente avec la date de terme du prêt), ainsi que le montant modéré du prêt rendent plausible l’exécution de l’obligation de remboursement,
  • Le prêt doit être déclaré au service des impôts,
  • L’emprunteur doit conserver la preuve de ses remboursements réguliers s’ils ont lieu.

Au jour de la succession, si le prêt familial en cours est déqualifié en donation, des conséquences fiscales en résultent :

Conséquences sur l’IFI 

Si l’emprunteur est assujetti à l’IFI, le prêt de l’assiette de cet impôt, la requalification en donation aura pour conséquence la remise en cause de cette dette IFI.

Pour être déductible pour l’IFI, le prêt doit avoir servi à acquérir un bien immobilier et avoir été consenti avec des conditions normales de remboursement (le prêt doit donc respecter ces échéances, la stipulation d’intérêts, un taux et une durée d’emprunt similaires à ceux octroyés par les banques). Il faut aussi qu’il ait été enregistré auprès du service des impôts pour avoir une date certaine.

Conséquences sue les droits de mutation

La qualification du prêt en donation rend exigible des droits de mutation.

Dans le cas d’une donation de somme d’argent, le rapport civil est égal au montant de la somme donnée sauf si la somme a été employée pour acquérir un bien. Dans cette hypothèse on retient la valeur du bien au jour de la succession (sauf si le bien se déprécie par nature- exemple une voiture- dans ce cas on retient le montant de la somme donnée).

Une question se pose : A quoi sert alors le prêt familial ?

Pourquoi prêter plutôt que donner ? Justement pour éviter une donation. Donner la même chose à tous les enfants peut être compliqué (liquidités restreintes) ou inopportun (enfants encore trop jeunes). Prêter permet de ne pas se dessaisir définitivement et de ne pas créer de déséquilibre entre les enfants.

Imaginons un parent qui veut aider l’un de ses 3 enfants en lui donnant une somme d’argent pour un projet immobilier, mais qui ne dispose pas de suffisamment de liquidités pour donner la même somme aux autres enfants. Il peut prêter un capital à son enfant (toutes précautions prises pour justifier du prêt familiale). Quelques années plus tard alors qu’il dispose d’un capital suffisant ou d’autres actifs, il pourra consentir une donation-partage à ses 3 enfants, en réintégrant la créance (capital restant dû) à l’acte de donation.

Encore faut-il que les événements puissent se produire dans cet ordre.